Le mystérieux mage Grindanamus, longtemps pris pour un excentrique d’opéra, vit seul dans un immeuble domanial maudit au pied du Rocher, entouré de chats et de plans cadastraux annotés à la cire de bougie. On le croise souvent rue des Açores, vêtu d’un peignoir en velours pourpre, déambulant à la recherche d’un cyclone astral descendant. Pendant des années, Grindanamus a prédit l’improbable, l’indicible… et surtout, l’inconstructible.
Aujourd’hui, ses prophéties deviennent réalité, et l’État s’interroge : était-il fou, ou simplement en avance sur le calendrier spatial-tempo-ministériel ?
La vision du stade flottant
Dans un grimoire de 2013, le mage notait : « Là où les coureurs foulent le sol, s’élèvera une structure nouvelle, vaste et réversible, recouverte d’une peau de Barbagiuan tressé. »
D’abord moqué par les architectes, les élus de l’opposition, et les traiteurs, ce passage s’est récemment matérialisé sous forme de projet de grands travaux de réhabilitation du Stade Louis II, avec notamment les futurs sièges rouges et blancs, et le projet de toiture pour lutter contre la canicule. Le Département des Travaux d’Hercule confirme : « Nous pensions à une membrane technique réversible… mais c’est vrai que le Barbagiuan a de bonnes propriétés isolantes. »
La disparition prophétique de l’incinérateur
Autre prédiction du Mage, griffonnée au dos d’un reçu de pressing : « L’âtre sacré de la combustion ne jaillira point. Les flammes de Symbiose s’éteindront avant même d’avoir été soufflées. »
S’il avait alors été expulsé d’une commission d’urbanisme pour propos ésotérico-poubelliers, le Mage avait vu juste : l’usine Symbiose ne verra probablement jamais le jour. Et ce, malgré dix ans de rapports PowerPoint.
Le sortilège semble irréversible. « C’est comme si le projet était maudit », explique un cadre du Département de l’Environnement, en secouant une maquette à l’échelle 1:200, qui refuse obstinément de tenir debout.
Une météo désormais non-euclidienne
Depuis le printemps, les saisons semblent s’être affranchies du calendrier grégorien. Canicule d’avril à novembre, soleil de minuit, grêle tropicale, vent force 24 sur l’échelle de corde : le ciel de Monaco est devenu surréaliste.
Dans un fragment retrouvé sur un napperon du Café de Paris, Grindanamus avait noté : « L’été viendra sans le printemps, le printemps fleurira la Toussaint, et le 15 août tombera un mardi pendant l’hiver. »
Le Centre Météo confirme : « Statistiquement, c’est n’importe quoi. »
Prochaine prophétie : une nappe phréatique sous Monte-Carlo
Lors de son dernier passage au Starbuck des Jardins d’Apoline, Grindanamus a été aperçu en train de murmurer à un caramel macchiato, avant de noter dans son carnet : « Le cœur souterrain de la cité palpitera. Sous les parkings de Monte-Carlo, une eau ancienne rejaillira. »
Les experts en urbanisme restent sceptiques, mais la SMA envoie tout de même une foreuse exploratoire, « au cas où ».
Le Mage devient consultant d’État ?
Face à tant de coïncidences, le futur ministre d’État, appuyé comme il se doit par Conseil National et une partie des élus municipaux, envisage de nommer Grindanamus Oracle Extraordinaire. Une carte blanche lui aurait déjà été proposée, ainsi qu’un bureau partagé avec le Chef du Protocole et un poste d’observateur au sein du Conseil Stratégique pour la Transformation de la Réalité. Une aubaine pour certains, un pis allér pour d’autres.
Son seul refus ? « Pas de badge. Les portiques sont maudits. »