Tout bon film d’horreur commence un vendredi 13. C’est un fait établi, c’est la base partagée par les plus grands auteurs du genre, comme Stephen King ou Edgar Allan Poe, et qui semble avoir été reconnue comme telle par Serge Telle, ministre d’État de son état. Ce dernier a donc fait basculer dans l’horreur des milliers de parents, en décrétant que le vendredi 13 mars serait le dernier jour d’école avant un moment, ouvrant ainsi les hostilités et le confinement en Principauté. Un mois plus tard, que reste-t-il ? Une population de gens sérieux et confinés, et un troupeau de zombies, errant dans les rues de la Principauté, trainée par un chien, un caddie de courses, ou dégoulinant de façon erratique, des baskets au pied. Comment en sommes-nous arrivés là ? Voici donc un mois de confinement en Principauté, en direct des notes de notre stagiaire.
Samedi 14 et dimanche 15 mars
Au lendemain de l’annonce, la Principauté est sous le choc : les écoles sont fermées. Que vont devenir les parents ? Que faire des enfants ? La peur s’empare des monégasques et des résidents, et réveiller les instincts les plus primaires : c’est un début d’émeute auquel nous assistons entre le rayon pâtes et le rayon papier toilette à Carrefour. En deux heures, les étagères sont vides, minutieusement vidées par un commando de Principautaires sous les ordres du général Lapeuroventre.
Pour couronner le tout, le Gouvernement clôt le weekend en déclarant que l’ensemble des lieux « non essentiel à la vie du pays » seront fermés. Fin du sport, fin des activités culturelles, fin du Casino, fin des bars. Par contre, les bureaux de tabac eux, restent ouverts… Faut pas déconner non plus.
Lundi 16 mars
L’horreur est désormais le quotidien des parents monégasques. Après avoir passé un weekend à se préparer à l’inéluctable, remplacer les instituteurs et autres professeurs pendant un temps indéterminé, le Gouvernement a décidé de couper tous les points d’appuis logistiques. Dès ce matin, Carrefour a fermé l’étage du haut. Où acheter les télés, les PlayStation, les mangas ? Bref, le minimum vital pour survivre en confinement avec des gosses ? Les parents les moins prévoyants se sont pourtant précipités là-bas, pensant trouver une planche de salut… Que nenni ! La tension est encore plus palpable qu’au rayon pâtes un étage en dessous, où le dernier paquet de Barilla est parti sans drame.
Jeudi 19 mars
Les drames se multiplient en Principauté. Le Grand Prix est annulé, le Prince est le premier chef d’État à être déclaré positif au COVID 19, le conseiller ministre aux affaires sociales ne sait plus où il a rangé ses masques, et pire, le Conseil National, réuni en séance extraordinaire, se prend un « parle à ma main » de la part du Secrétaire Général du Gouvernement.
À part ça, le confinement est très bien respecté, tout ça, surtout dès qu’il s’agit d’aller se balader à la plage ou dans les parcs. Du coup, ces lieux sont désormais interdits au public.
Samedi 21 et dimanche 22
C’est la guerre ! C’est le couvre-feu ! Personne dans les rues entre 22 h et 5 h du matin. Même pas pour faire pisser le joggeur, ou envoyer son chien faire les courses. Notre stagiaire a même peur que la maréchaussée monte jusque chez lui s’il rédige ses articles au cours de la nuit. Du coup, il travaille la lumière éteinte, et il a déjà perdu l’usage de son œil gauche…
Bonne nuit !
Lundi 23 mars
On a appris qu’un médecin savant aurait découvert à Marseille un traitement contre le COVID19, en associant deux molécules au nom à gagner au scrabble. Il aurait diffusé l’information sur les réseaux sociaux accompagnés du hashtag « À jamais les premiers ».
Mais de vieilles photos fuitent quasi instantanément, montrant ce même professeur marseillais alors qu’il étudiait les Aliens au cœur de la célèbre Zone 51. À moins qu’il ait vu des extraterrestres après avoir bu du 51… Rien n’est moins sûr, mais il ne faut pas s’étonner pourquoi le gouvernement français freine des deux pieds pour cette solution…
Vendredi 27 mars
Nous en savons plus sur le fameux remède miracle du toubib marseillais, dont nous parlions précédemment. Apparemment, il se serait inspiré de médecines antiques et de procédés datant de l’époque gallo-romaine. Selon un très sérieux document, les Gaulois auraient vaincu un certain Coronavirus grâce à une formule appelée « nid de poule ». Après une recherche approfondie, notre stagiaire aura réussi à mettre la main sur ce précieux document de Goscinny et Uderzo… Là encore, la source n’inspire pas la confiance de l’élite politique française…
Mercredi 1er avril
C’est bon, vous pouvez sortir, nous allons tous reprendre une vie normale dès demain… Ah non, c’est un poisson d’avril…
Jeudi 2 avril
Voilà, c’est tombé, on a désormais les sujets du BAC 2020. Certains espéraient un contrôle continu, c’est un examen en bonne et due forme que vont devoir préparer les futurs bacheliers, dès que le confinement sera terminé, cela va de soi. Cependant, comme les conditions de travail sont assez particulières, les sujets seront connus un peu à l’avance. Voici donc en exclusivité les sujets du prochain BAC 2020.
Science et vie : la multiplication des joggeurs en milieu confiné (dissertation, 4 h)
Mathématique : Problème avec équations du 2 d degré : Sachant que Medor le chien fait 3 selles par jour, et qu’il doit se reposer 3 h entre chaque sortie de cinq kilomètres, à combien de voisins Jean Kevin peut-il le prêter ?
Philosophie : le confinement, est-ce un jeu, ou une punition ?
Histoire : L’homme au masque de tissus : mythe ou réalité ?
Géographie : Du canapé à la cuisine, présentez-nous la géopolitique en milieu confiné.
Sport : l’épreuve de la poutre, comme dans Koh Lanta, mais en chaussettes sur le tabouret de la cuisine.
Langue vivante : quelles sont les paroles de l’hymne national que vous chantez tous les jours à 19 h ?
Samedi 4 et dimanche 5
Du monde au balcon, à 20 h samedi et dimanche, dans le cadre du nouveau happening de la gâchette, qui a diffusé, tout berzingue, « Vamos a la playa » en l’honneur de ces courageux ouvrier qui sont sur le pied de guerre pour faire en sorte que la priorité nationale qu’est la plage du Larvotto soit fin prête lors de la fin du confinement. Alors encore merci chers membres du gouvernement, merci de penser à notre bronzage intégral pour cet été. Bon, on n’a toujours pas de masques, et le test pour tout le monde, ça se fait à Menton ou Beaulieu, mais pas à Monaco. Mais au moins, nous, on aura une plage nickel. Et ça, c’est top. Alors merci.
Lundi 6 avril :
Aujourd’hui, c’était jour de Conseil National ! Voici donc le CR de cette première séance de la mandature 2020.
Résumé de la séance : La séance s’est ouverte avec la surprise de voir Jacques Ritt au pupitre de chef de séance, à titre de doyen. Nos sources contradictoires nous ont rapidement fait savoir que le doyen en titre, Daniel Boeri, était confiné chez lui, et suivait la séance sur son minitel. Jacques Ritt ne restera pas bien longtemps sur le strapontin, le temps d’un discours long comme une semaine de confinement, et de l’organisation du vote. Le discours fut long, très long. Mais à dessein, car le but ultime de cette manœuvre était d’endormir l’assistance, afin d’être le seul éveillé au moment du vote, et ainsi donc ravir à la dernière minute le titre suprême. Il n’en sera rien, et après que Béatrice Fresko Rolfo et Jean-Louis Grinda se soient solidairement et temporairement rapprochés des élus Primo au nom de « l’unité nationale », Stéphane Valéri est donc élu à l’unanimité.
Les commissions et autres présidents sont tous reconduits, dans une ambiance studieuse et terne. La seule remarque valable qui pourra être faite sur cette fin de soirée, c’est que les effets du confinement se font nettement sentir, surtout au niveau capillaire, qui penche sérieusement du côté de Woodstock.
Le maillot du club est évidemment attribué à Stéphane Valéri : être élu à l’unanimité à la présidence du Conseil National, ça n’a pas dû arriver souvent. Tête de proue, chef de file d’un conseil unanime, quand il y aura un panthéon à Monaco, l’éloge de notre président sera grandiose. Il est le premier Avenger Monégasque. Tel Jean MOULIN il est au la tête du Conseil National de la Résistance et il fédère !
Le club maillot : Robert Colle, on l’a ni vu, ni entendu. Depuis son coup de gueule mémorable, qui l’a fait rentré directement au panthéon des plus grands méchants de l’histoire, juste entre Dark Vador et Jaffar, on ne l’a plus ni vu, ni entendu. Mais est-ce un mal ? Seule l’histoire nous le dira…
Le « chimichanga alerte » : Évidemment, c’est la pause imposée par le président unanime, qui à 20 h pile, a fait suspendre la séance pour une standing ovation, et des applaudissements nourris de tout l’hémicycle pour les personnels soignants.
Le chiffre à retenir : 27, c’est le nombre de fois où Stéphane Valéri va dire « conseil unanime » ou un dérivé.
La question du jour : On s’est tous posé la même question durant la retransmission : est-ce que le discours de Jacques Ritt sera terminé avant la découverte du vaccin ?
Samedi 11 et dimanche 12
Pas de Pâques cette année, pas de résurrection de Jésus non plus… Selon nos sources contradictoires, il aurait été interpelé par la maréchaussée monégasque à la sortie de son tombeau. Il n’avait pas d’attestation de sortie, évidemment. Et ses explications comme quoi il était en plein boulot, apporter la rédemption, sauver l’humanité, tout ça, ça n’a pas vraiment convaincu les policiers de faction, qui lui ont collé 100 € d’amende, et l’ont renvoyé manu militari chez lui. AMEN
Lundi 13 avril
Fiesta en Principauté. Premier jour, depuis le 20 mars, sans cas de COVID19 en plus au compteur. Est-ce un effet weekend pascal ? La procession de Pâques au cœur de Carrefour a-t-elle porté ses fruits ? Est-ce que le chocolat est plus efficace que la chloroquine ? Est-ce que le virus aurait eu peur des beaux jours ? Ou de la nuée de drones qui survole la Principauté de jour comme de nuit ?
Mardi 14 avril
Premier moisiversaire du confinement. Voilà un mois que les enfants ne vont plus à l’école, que les parents s’improvisent professeurs, que les coiffeurs et autres barbiers ont tiré leurs rideaux, que les gens se filment en faisant d’incommensurables exploits dans leur appartement, que le télétravail est devenu le quotidien, que Monaco Info est la seule source d’information fiable, que les pontes tirent sur la couverture, que la peur fait ressortir le vrai visage des gens, parfois horrible et égoiste, mais souvent admirable de générosité et de créativité.
Bref, joyeux moisiversaire le confinement.